Dans un contexte où l’on cherche à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, il est primordial de repenser notre manière de déplacer les personnes, mais aussi et surtout les marchandises, sur le territoire québécois.
Les défis du transport routier au Québec
Au Québec, le transport représente 43% des émissions de GES, ce qui en fait le secteur le plus polluants de la province (Gouvernement du Québec, 2025). En outre, 31,2 % des émissions proviennent du transport routier uniquement, ce qui démontre l’importance de solutions alternatives pour le transport de passager·ère·s et de marchandises dans un contexte de transition socio-écologique.
Entre 1990 et 2021, le camionnage a connu une forte croissance, les émissions de GES qui y sont associées ayant augmenté de 60,7%. (MELCC, 2021). Au sein même de la grande région de Montréal, près de 68% des marchandises sont transportées par camion. (GRAME et Imagine Lachine-Est, 2022).
Problématiques liées au transport routier de marchandises:
- Dans la communauté métropolitaine de Montréal, les pertes financières associées à la congestion se sont élevées à 6,1 milliards de dollars en 2023 selon CAA (Journal de Montréal, 2025).
- Les émissions de polluants atmosphériques, provenant surtout des gaz d’échappement des véhicules, impactent la qualité de l’air et donc la santé de la population (Gouvernement du Québec, 2025);
- La pollution sonore diminue la qualité des milieux de vie, particulièrement pour les riverain·e·s des artères de contournement empruntés par les poids lourds pour échapper à la congestion;
- La présence de camions dans des rues fréquentées par des usager·ère·s vulnérables (piéton·ne·s et cyclistes) augmente les risques d’accidents graves et/ou mortels;
- Le réseau routier limite l’utilisation du sol à d’autres fins et les imperméabilise.
La question se pose donc clairement : quelles sont les autres possibilités envisageables afin de diminuer le trafic routier en termes de transport de marchandises? Et c’est ici qu’intervient le tram-cargo!
Qu’est-ce qu’un tram-cargo ?
Le tram-cargo est un tramway classique, permettant de transporter des passager·ère·s, auquel on ajoute la fonctionnalité d’acheminement de marchandises à travers des dispositifs techniques variables. Les marchandises concernées sont surtout les plis et les petits colis, lesquels représentent un pourcentage significatif des livraisons quotidiennes. Le tramway est connu pour ses avantages comprenant sa vitesse, sa ponctualité, sa discrétion, son confort ainsi que son faible impact carbone (GRAME et Imagine Lachine-Est, 2022).
Différentes options pour le tram-cargo
- Aménagement des voitures pour passager·ère en y intégrant un espace pour la marchandise lors des heures creuses;
- Aménagement de rames exclusivement dédiées aux marchandises;
- Utilisation d’un tramway spécifique aux marchandises, mais qui peut utiliser les mêmes réseaux et infrastructures que ceux des passager·ère·s.
Pour en savoir plus sur les avantages et désavantages de ces options, consultez notre revue de littérature sur le sujet.
S’inspirer des exemples fructueux dans le monde
Bien qu’il y ait plusieurs initiatives de tram-cargos à travers le monde, nous vous présentons quelques exemples qui démontrent la faisabilité de ce moyen de transport dans les villes.
CarGo Tram à Dresde, Allemagne
Pendant près de 20 ans, la compagnie Volkswagen a utilisé des tramways afin de transporter des pièces automobiles vers une de ses usines à Dresde.
Avec une capacité de transport de 60 tonnes, le projet évitait 200 km de parcours en camion par année ainsi que l’émission de 35 tonnes de CO2 par tonne de marchandise (CIRRELT, 2020).
Cargo-Tram et E-Tram à Zurich, Suisse
À Zurich, un tramway circule gratuitement à travers la ville pour que les citoyen·ne·s puissent y déposer leurs déchets. À travers un même véhicule, deux programmes sont offerts: avec le Cargo-Tram, la population peut se débarrasser d’objets encombrants, de gros métaux et de déchets de fosse alors que le E-Tram récolte les appareils électriques.
Comment ça fonctionne? Il suffit que les habitant·e·s se rendent à la station participante la plus proche pour y trouver toutes les informations : horaire de passage, produits acceptés, comment s’y rendre, etc. En déposant ensuite leurs déchets et en donnant même des petits objets en bon état dont ils ne se servent plus pour les échanger!
Il est d’ailleurs interdit de s’y rendre en voiture, puisque l’idée est d’encourager les déplacements à pied, à vélo ou encore en transports en commun. Celles et ceux qui sont en voiture peuvent toujours amener leurs déchets dans les centres de recyclage de la ville. C’est ainsi que la ville a réduit les déplacements de ses camions-poubelle de 5 000 km par année (CIRRELT, 2020).
LogIKTram à Karlsruhe, Allemagne
Suite à l’augmentation considérable de livraison de paquets à domicile, la ville a voulu mettre en place une initiative qui restreindrait le nombre de camions sur la route. Le réseau de transport de la ville, en collaboration avec l’Institut de technologie de Karlsruhe, travaille donc pour que ce projet de transport de marchandises prenne vie en 2027.
Leur but est d’utiliser les réseaux de tramways et de trains déjà existants en profitant des périodes creuses pour remplir les véhicules avec des caissons et ainsi éviter les trajets à vide. Ils espèrent également que cette initiative serve d’exemple à d’autres villes.
Bilan : quels enseignements tirer de ces expériences ?
Bien que certains projets de tram-cargo soient sur la bonne voie, il en existe d’autres qui se sont arrêtés à la phase de test ou qui n’ont pas pu continuer par faute de moyens ou rencontrant certains enjeux (voir sections défis). De plus, pour que cette solution soit largement acceptée, un incitatif légal impliquant une réglementation en faveur de la décarbonation des transports de marchandises est nécessaire.
Chacune de ces expériences est donc l’occasion d’en tirer des apprentissages afin de mieux visualiser ce qui fonctionne et ce qu’il reste à faire pour rendre ce moyen de transport plus accessible. Dans le vieux Montréal, le projet de piétonnisation est d’ailleurs un bon exemple de réaménagement urbain en matière de mobilité. Cela pourrait également être l’occasion de repenser au réseau de livraison et d’intégrer des moyens de transport de marchandises plus écologiques!
Piqué·e·s par la curiosité ? Allez consulter le rapport sur les potentialités d’utilisation des infrastructures de transport collectif à des fins de transport de marchandises en milieu urbain, qui détaille les avantages et désavantages du tram-cargo. Ceux-ci peuvent également varier en fonction des types de tram-cargo mis en place.
Avantages
- Les trajets sont plus rapides et fiables puisque le tramway n’est pas impacté par les imprévus et la congestion sur les routes;
- Une fois que les infrastructures requises pour un tramway dédiés aux passager·ère·s sont déjà établies, les coûts d’implémentation de ces projets peuvent être significativement diminués.
Défis
- La flexibilité est limitée puisque les rails ont une trajectoire définie, ce qui implique de devoir transporter les marchandises de la station au lieu final de livraison, notamment avec des vélos-cargo. Ce défi représente aussi une belle opportunité qui fait déjà ses preuves à Montréal (par exemple, le Projet Colibri) ;
- Le chargement et le déchargement sont parfois plus complexes et doivent être effectués plus rapidement si le réseau est le même que pour les passager·ère·s;
- Des palettes adaptées au tramway sont nécessaires;
- Ce genre de système nécessite évidemment la collaboration des transporteurs de marchandises. Aussi, la cohabitation de marchandises avec des passager·ère·s peut s’avérer être un défi;
- Des risques de bris et de vols pendant le transport doivent aussi être pris en compte.
