Depuis ses débuts, le GRAME prend part aux grandes conversations stratégiques, consultations et débats publics sur les enjeux environnementaux. De ce fait, le GRAME partage son expertise et ses analyses en matière d’énergie à la Régie de l’énergie depuis plus de 20 ans. En d’autres termes, le GRAME participe aux conversations sur le cadre législatif et réglementaire de l’énergie au Québec. Cette année, le GRAME est intervenu dans trois dossiers de l’actualité, dont celui du gaz naturel. On fait un tour d’horizon de ces projets.
La Régie, ça mange quoi en hiver?
La Régie de l’énergie est un tribunal administratif créé par la Loi sur la Régie de l’énergie, en 1997, afin de répondre aux exigences de l’ouverture du marché nord-américain de l’électricité.
Depuis, la Régie a été modifiée à quelques reprises, et s’occupe désormais de fixer, à la suite d’audiences publiques, les tarifs et les conditions qui régissent la distribution de l’énergie (électricité, gaz naturel, etc.) au Québec.
Pour réaliser son mandat, la Régie est composée de 12 régisseurs, dont le président et la vice-présidente, nommés par le gouvernement en fonction de leur expertise. S’ajoutent à cette équipe plusieurs intervenants, dont le GRAME fait partie.
Le GRAME dans tout ça?
Dans ce rôle d’intervenant, le GRAME analyse différents dossiers soumis par les distributeurs d’énergie comme Hydro-Québec et Énergir, puis interroge et plaide, à travers le dépôt de rapports et de prise de parole à des séances d’audience, pour des tarifications et une évolution des ressources énergétiques qui soit responsable d’un point de vue socio-environnemental.
Plan d’approvisionnement de 2023 à 2032 d’Hydro-Québec (R-4210-2022)
Tous les trois ans, Hydro-Québec présente un plan d’approvisionnement. Le dernier à été déposé à la Régie de l’énergie en 2022 par Hydro-Québec, afin de présenter les besoins en électricité prévus de la clientèle québécoise pour les dix prochaines années, ainsi que les moyens envisagés pour y répondre. La Régie fait le suivi au cours des deux années suivantes.
Lors des suivis en 2023, le GRAME a recommandé la mise en place d’options de tarification dynamique couvrant davantage l’ensemble de la demande, donc visant non seulement la gestion de la demande, mais incluant des incitatifs visant les changements comportementaux et l’efficacité énergétique.
Vidéo explicative d’Hydro-Québec sur la tarification dynamique
Suite à quoi la Régie a jugé nécessaire que des efforts additionnels soient déployés par Hydro-Québec pour augmenter la contribution des options de tarification dynamique aux moyens de gestion de la demande en puissance (GDP).
La gestion de la demande en puissance (GDP) est le concept de mettre en œuvre des stratégies pour réduire la puissance requise par les clients pour satisfaire leurs besoins en énergie, en période de pointe.
Le dossier s’est poursuivi en 2024 avec comme enjeu l’identification des besoins additionnels en énergie qui seront autorisés par la Régie sur l’horizon du plan d’approvisionnement, soit de 2023 à 2032.
Dans les faits, pour le secteur industriel et les secteurs émergents, on constate une augmentation marquée de la demande en énergie et en puissance. Selon Hydro-Québec, les besoins à venir pourraient correspondre à 13 barrages comme La Romaine.
Au terme de cette analyse, le GRAME a soumis à la Régie que les besoins énergétiques nécessaires pour la décarbonation et l’atteinte éventuelle de la carboneutralité en 2050 du Québec font en sorte que des approvisionnements additionnels seront nécessaires, mais que ceux-ci doivent également rencontrer l’objectif de décarbonation.
Le GRAME a donc plaidé, avec l’appui de d’autres intervenants présents lors de cette séance, pour que les nouveaux approvisionnements soient renouvelables en indiquant qu’il serait contre-productif d’accroître d’une part les initiatives de décarbonation, lesquelles auront des impacts à la hausse sur la demande électrique et d’un autre côté, permettre la production électrique de sources fossiles.
Les appels d’offres de long terme pour de nouveaux approvisionnements énergétiques sont soumis à des critères de sélection, comprenant notamment un critère de développement durable appliqué dans la grille de sélection des soumissions.
Considérant que cette grille de critères de sélection a été approuvée par la Régie en 2004, le GRAME a fait valoir qu’elle devait être actualisée pour tenir compte du contexte énergétique ayant évolué depuis les 20 dernières années.
Comme elle est construite présentement, elle ne permet pas de s’assurer que les nouveaux approvisionnements n’impacteront pas l’atteinte des cibles de réduction des GES de 37,5% de réduction par rapport à leur niveau de 1990 à l’horizon 2030 indiquées dans le Plan pour une économie verte 2030.
Demande d’ordonnance de sauvegarde relativement au maintien de la gestion de la demande en puissance (GDP) (R-4208-2022)
Les moyens utilisés pour gérer la demande en puissance peuvent être un allié dans la modération de la consommation d’électricité. Cependant, un de ces moyens permet le recours par les clients d’Hydro-Québec à des combustibles fossiles lors d’événements de pointe. C’est sur cet enjeu que le GRAME plaide à la régie depuis de nombreuses années.
L’utilisation de combustibles fossiles (le mazout, principalement), par certains clients lors de période de pointe, favorise un accroissement des particules fines en hiver, et donc produit des épisodes de smog hivernal. Leur utilisation vient de l’usage de génératrices de secours déjà présentes dans de nombreux commerces et qui demeure le type d’énergie la moins efficace et efficiente, donc la plus polluante parmi tous les moyens utilisés.
Malheureusement, le GRAME n’a pas réussi à convaincre la Régie d’exclure le recours aux combustibles fossiles dans les moyens de GDP, mais celle-ci a suggéré à Hydro-Québec de promouvoir, auprès des participants, les moyens de GDP qui minimisent ou éliminent les émissions de GES et de proposer une aide financière aux participants pour l’acquisition d’équipements et l’implantation de moyens de GDP ne recourant pas aux combustibles fossiles.
Demande d’approbation du plan d’approvisionnement et de modification des Conditions de service et Tarif d’Énergir (R-4213-2022)
Énergir distribue environ 97 % du gaz naturel consommé au Québec. À chaque année, il présente à la Régie un plan d’approvisionnement qui devra être approuvé par celle-ci.
Lors de la dernière demande d’approbation, le GRAME a recommandé à la Régie d’approuver dès maintenant la demande d’Énergir d’approuver l’intégration des Bénéfices non énergétiques (BNÉ) dans le calcul du Test du coût total en ressources (TCTR), afin de favoriser l’intégration de nouvelles mesures en efficacité énergétique, ce qui a été approuvé et intégré.
Les interventions en efficacité énergétique (IEÉ) ont des impacts qui vont au-delà des économies d’énergie pour les consommateurs et au-delà des coûts évités pour les compagnies d’énergie. Ces impacts peuvent par exemple inclure des gains de productivité ou la modification de certains coûts non reliés à l’énergie, le confort des usagers, la santé et sécurité des usagers ou de la population en général, l’utilisation d’autres ressources que l’énergie et des aspects esthétiques ou pratiques. Les BNÉ désignent l’ensemble des bénéfices qui découlent des IEÉ qui ne sont pas de nature énergétique.
Régie de l’Énergie
Cependant, le GRAME a également plaidé que le TCTR avec BNÉ ne permettait pas de prendre en compte l’intégration des GES, soit l’intégration du Coût social du carbone (CSC), et que la réduction des GES et d’autres émissions atmosphériques devrait être prise en considération dans le secteur du gaz naturel à titre de BNÉ pour la société.
Au terme de ce dossier, la Régie a jugé qu’une réflexion sur l’ajout d’un Test du coût social (TCS) en complément du TCTR avec BNÉ devrait avoir lieu et a demandé à Énergir de présenter, dès le prochain dossier tarifaire, les résultats d’un TCS incluant le coût social du carbone, tel que proposé par le GRAME.
Le GRAME a entamé le nouveau dossier tarifaire d’Énergir, dans lequel Énergir propose l’ajout d’un TCS incluant le coût social du carbone. Nous pouvons constater avoir eu, de la part d’Énergir, une oreille attentive, à savoir qu’Énergir s’aligne sur la demande du GRAME et demande à la Régie l’ajout du coût social du carbone.
Avec de nouvelles estimations de consommation énergétique future au Québec fortement à la hausse, l’énergie fait l’actualité régulièrement depuis quelques mois. Le GRAME est heureux de pouvoir agir au cœur des débats énergétiques, là où les décisions sont prises pour tout le Québec, pour des années à venir.