Les experts s’entendent, le transport collectif constitue un outil majeur de (re)développement urbain capable de résoudre l’enjeu crucial de la congestion routière tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports. Le transport collectif, ainsi que les enjeux liés à la mobilité durable, font progressivement leur place dans l’agenda des élu.es, la formulation des politiques publiques et les planifications budgétaires. Mais encore faut-il faire les bons choix. En ce sens, considérer les manières dont une option de transport collectif peut permettre de réduire les impacts du transport de marchandises devrait aussi faire partie des critères décisionnels.
Les véhicules lourds et camions légers comptent pour respectivement 36,4% et 31,2% des émissions québécoises dues au transport routier (en 2018). Le transport des marchandises justifie la très grande partie des déplacements pour les premiers et une part non négligeable pour les seconds. Le camionnage est un secteur en forte croissance en termes de GES, notamment en raison de l’augmentation des livraisons de colis découlant du commerce en ligne.
Les bus interurbains profitant de leurs trajets pour livrer des colis d’une région à l’autre représentent en quelque sorte le genre d’opportunisme de mobilité que nous devons rechercher. Le projet Colibri de la Ville de Montréal, qui propose de faire parcourir le dernier kilomètre d’un colis en vélo électrique, constitue quant à lui une avenue rafraîchissante et prometteuse.
Mais comment convertir substantiellement la part modale du camionnage pour un mode zéro émission, plus sécuritaire et allégeant la congestion routière? En développant le tram-cargo : du transport de marchandises sur les mêmes rails qu’empruntent les tramways, comme ceux projetés à Québec et entre le centre-ville de Montréal et Lachine. Ce système est l’objet d’un fort intérêt à travers le monde et différents modèles de tram-cargo sont en phase de test ou font déjà leurs preuves, notamment à Francfort (Allemagne).
Tout projet de développement de transport sur rail se devrait de considérer le transport des marchandises hors des périodes de pointe. Dans le cas du futur tramway entre le centre-ville et Lachine, il bénéficierait notamment aux nombreuses entreprises composant le parc industriel de Lachine. En fonction des tracés et des extensions potentiels, ce tramway pourrait également desservir les zones industrielles de LaSalle et Saint-Laurent.
Une éventuelle extension de la ligne Centre-Ville – Lachine jusqu’à l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau à travers la gare de Dorval pourrait grandement bonifier les retombées économiques de ce tram-cargo en rendant l’installation disponible aux usagers du complexe aéroportuaire. Avec le lien vers l’Est (à condition qu’il soit construit au niveau du sol sous forme de tramway), ce tracé formera un véritable lien électrifié est-ouest sur l’Île de Montréal passant par le port.
Le transport de marchandise doit être envisagé pour ce tracé, mais aussi comme solution pour d’autres secteurs de Montréal et d’autres centres urbains québécois. Il s’agit ici d’optimiser des réseaux de transport en combinant transport de personnes et de marchandises. Nous devons absolument considérer un réseau de tram-cargos avec distribution locale des colis par vélo-cargo (notamment dans les futurs ÉcoQuartiers comme celui de Lachine-Est). Les nombreuses retombées économiques, sociales et environnementales que ce système pourrait apporter justifient qu’on s’y intéresse.
Billal Tabaichount
Coordonnateur en analyse des politiques publiques, Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME)
Jean-François Lefebvre
Vice-Président exécutif, Imagine Lachine-Est