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Qu’est-ce que l’écofiscalité?

Écrit par :

Billal Tabaichount
Coordonnateur du pôle influence (2018-2021)

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Une réponse aux externalités

On peut considérer l’écofiscalité comme un sous-groupe bien particulier dans la grande famille des outils fiscaux. L’écofiscalité (“écologique” + ”fiscalité”) serait ainsi l’application de divers outils fiscaux à des fins de préservation de l’environnement. Toutefois, la plus grande particularité de l’écofiscalité est sa nature incitative. Son objectif principal n’est pas de collecter des fonds en vue de permettre des dépenses, des investissements publics ou une redistribution de la richesse, mais plutôt de modifier les comportements des agents économiques en y incluant des considérations environnementales par la voie d’incitatifs fiscaux. Dans le cas de l’écofiscalité, ce sont les externalités qui nous intéressent. Les externalités (ou effets externes) apparaissent lorsqu’une activité économique (consommation, production, échanges) affecte le bien-être d’autres partis qui n’ont aucun droit de regard sur l’activité économique en question. Ces effets externes peuvent être positifs (amélioration du bien-être) ou négatifs (détérioration du bien-être). Ils sont qualifiés d’externes parce qu’ils ne sont pas pris en compte par les mécanismes de marché; ils sont donc extérieurs au marché. Un exemple d’externalité négative consisterait en une usine dont l’activité pollue les eaux d’un bassin versant. Ici, en l’absence d’une monétisation des coûts environnementaux induits, ceux-ci ne sont pas intégrés dans les considérations de l’activité économique en question.

Une approche polyvalente...

L’écofiscalité vise à influencer les prix afin d’y inclure des considérations environnementales que ceux-ci n’intégraient pas préalablement. Par ce moyen, on impose aux agents économiques la prise en compte des coûts (et bénéfices !) environnementaux qui auparavant étaient des externalités. Le principe de base est simple : augmenter les coûts d’une activité économique considérée comme dommageable pour l’environnement – e.g. taxes – et diminuer le coût d’activités économiques jugées bénéfiques pour l’environnement – e.g. subventions. 

L’écofiscalité opère généralement en fonction des objectifs suivants :

  • Réduire la consommation de ressources rares ou non-renouvelables ;
  • Réduire les émissions de GES ou de tout autre facteur favorisant le réchauffement climatique ;
  • Réduire les nuisances (pollution de l’air, de l’eau, par le bruit, congestion routière, etc.) ;
  • Atténuer les enjeux environnementaux affectant négativement la santé des citoyen.e.s.

Si l’écofiscalité se démarque des mesures réglementaires (command-and-control), c’est avant tout par l’économie en besoin d’informations qu’elle occasionne. En effet, l’imposition d’outils écofiscaux nécessite très peu d’informations sur la structure de coûts des agents économiques et sur les types d’alternatives à adopter. L’objectif est, au contraire, de ne pas assigner de comportements spécifiques aux acteurs concernés, mais plutôt de définir des incitatifs ou d’imposer des cibles, et de laisser ces mêmes acteurs adopter les mesures qui s’avéreront les moins coûteuses. 

...Aux retombées multiples !

Ainsi, l’écofiscalité s’avère judicieuse notamment dans les cas où les sources de pollution sont très hétérogènes et difficiles à englober dans un même cadre réglementaire. L’efficacité des outils écofiscaux se base également sur la concentration d’une charge fiscale sur un nombre de pratiques polluantes plus réduit – comparativement à une taxe de vente qui couvrirait, en principe, l’ensemble des échanges marchands au sein d’une économie. Les bénéfices découlant d’une écofiscalité proviennent de deux sources que l’on appelle « double dividende» :

  • Le premier dividende résulte des bénéfices qu’amène l’adoption de bonnes pratiques environnementales par les acteurs économiques à la suite de l’imposition des mesures écofiscales. Ces bénéfices se résument en une amélioration de la qualité de l’environnement, mais également, dans certains cas, en économies budgétaires. Par exemple, la taxation de l’utilisation de la voiture individuelle peut mener à une baisse de la demande en infrastructures routières si elle résulte en un transfert modal (vers les transports en commun ou les modes de transport actif).
  • Le deuxième dividende se résume aux bénéfices – sociaux ou environnementaux – auxquels peut mener un réinvestissement judicieux des revenus découlant des mesures écofiscales. Cela est permis par la création de nouvelles sources de revenus pour l’autorité publique que constituent les mesures écofiscales (dans le cas de taxes, redevances et tarification).

Par contre, il est important de spécifier qu’il est généralement reconnu que des mesures écofiscales doivent s’inscrire dans un ensemble de politiques environnementales (policy-mixes) intégrant :

  • Des mesures réglementaires contraignantes ;
  • Des campagnes d’éducation et de sensibilisation ;
  • Ou toutes autres mesures environnementales adaptées à l’enjeu considéré.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’une étape importante dans la mise en place d’une écofiscalité consiste dans la réduction/élimination de nombreuses subventions explicites (e.g. énergies fossiles) et implicites (e.g. étalement urbain). Ainsi, l’écofiscalité a le potentiel de représenter un nouveau cadre institutionnel capable de mobiliser de nouvelles sources de revenus, cibler de nouveaux types d’acteurs et coordonner l’atteinte d’objectifs socio-environnementaux.

Pour connaître les propositions du GRAME dans le cadre d’une réforme fiscale écologique au Québec, voir le mémoire déposé à la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise pour laquelle il a été mandaté en 2014.

Billal Tabaichount

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