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GNL Québec ou comment rater la transition : Le rapport du BAPE

Écrit par :

Billal Tabaichount
Coordonnateur du pôle influence (2018-2021)

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GNL Québec a fait couler beaucoup d’encre dans les derniers mois. Depuis septembre 2020, la consultation du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) a permis à de nombreux citoyen.ne.s et parties prenantes d’exprimer leurs avis sur le projet. À l’occasion de la publication du rapport de la commission, on vous fait un état des lieux des principales conclusions du BAPE.

Mais d’abord…

GNL Québec, c’est quoi?

Derrière GNL Québec, on trouve trois projets d’infrastructures initiés par Énergie Saguenay :

    • Tout d’abord, un « pipeline » pour transporter au Québec du gaz naturel provenant de l’Ouest. Raccordés dans le Nord-Est ontarien, ce sont 780 km de gazoduc qui vont traverser le Québec pour déboucher à Saguenay;

 

    • Ensuite, l’installation d’une usine de liquéfaction du gaz naturel à Saguenay, qui serait en service durant 25 à 50 ans. Elle aurait une capacité de production de gaz naturel liquéfié (GNL) estimée à 11 millions de tonnes par année;

 

  • Finalement, des installations portuaires pour exporter le gaz naturel liquéfié par voies maritimes, principalement vers l’Europe et l’Asie.

Bien que le projet, en lui-même, comprend uniquement des activités de transport par gazoduc et de liquéfaction, il aura des conséquences environnementales importantes. Ces dernières seront également causées par l’extraction du gaz naturel (provenant de l’Alberta et de la Colombie-Britannique), son transport maritime, ainsi que par sa contribution à la dépendance structurelle aux énergies fossiles dans notre vie de tous les jours. 

Parmi ces conséquences, on peut citer l’utilisation de la fracturation hydraulique pour l’extraction du gaz naturel et les risques qu’elle présente pour la qualité de l’eau et la stabilité des sols; sans oublier les fuites de gaz tout au long du processus. Il faut ajouter à cela, entre autres, la dépense d’électricité qui sera destinée à la liquéfaction du gaz naturel ainsi que la fréquence de passage des méthaniers qui menacera la biodiversité du fleuve, telle que les bélugas (espèce en voie de disparition et en déclin). Ainsi, GNL Québec aura des conséquences environnementales importantes au Québec, mais également à l’extérieur, ce qui demande d’adopter une perspective réellement macro-écologique.

Un rapport accablant

Le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) a tout récemment publié son rapport sur le sujet. L’ampleur de la participation citoyenne et le nombre record (2 580) de mémoires déposés avaient débouché sur une prolongation du mandat de la commission d’enquête. Cette dernière s’est concentrée sur le « Projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay » et n’évalue ni le projet de gazoduc ni la nouvelle ligne électrique à mettre en place afin d’alimenter l’usine de liquéfaction. Pourtant, le rapport du BAPE contient de nombreuses conclusions très défavorables à la réalisation de GNL Québec.

Durant les consultations, la lutte aux changements climatiques, la transition énergétique et les enjeux économiques – retombées du projet, débouchées pour le gaz naturel liquéfié (GNL), conséquences sur l’industrie du tourisme – furent beaucoup abordés. Sur l’aspect économique, la commission constate que les principales retombées du projet pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean s’étaleront durant les (quatre) années de construction de l’usine de liquéfaction. Par contre, « en phase d’exploitation, les retombées économiques les plus importantes se manifesteraient surtout dans l’industrie de production du gaz naturel de l’Ouest canadien ».

La commission note également trois facteurs rendant incertaine la croissance future de la demande mondiale en GNL : 

1) les effets de la pandémie de COVID-19 sur l’activité économique; 

2) les engagements gouvernementaux en lien avec la lutte aux changements climatiques; 

3) le « scepticisme croissant des investisseurs à l’égard des projets axés sur les énergies fossiles (…) Dans ce contexte, la commission considère que la compétition dans laquelle l’initiateur s’est engagé pour sécuriser des contrats de vente de GNL à long terme apparaît difficile et que la fenêtre d’opportunité pour le projet semble s’être considérablement réduite depuis l’annonce initiale, en 2014 ».

Un obstacle majeur à la transition

GNL Québec a été présenté par ses promoteurs comme un projet favorable à la transition énergétique, étant donné que le gaz naturel liquéfié remplacerait des sources d’énergie plus polluantes en Europe et en Asie. D’autant plus que l’électricité utilisée pour le processus de liquéfaction proviendrait de l’hydroélectricité. Sur ce point également, la commission d’enquête remet en cause les promoteurs du projet et « le rôle de l’industrie gazière comme acteur de la transition énergétique ». L’industrie gazière est elle-même une importante émettrice de gaz à effet de serre (GES) (notamment dans les phases d’exploration et d’extraction). De plus, dans le contexte où « les terminaux de liquéfaction existants ou actuellement en construction suffiraient pour combler la demande jusqu’en 2030 », l’ajout de nouvelles infrastructures retarderait plutôt la transition énergétique et intensifierait notre dépendance au complexe gazier. Comme le formule le rapport :

« L’adhésion à long terme à cette chaîne d’approvisionnement, suivant le modèle d’affaires de GNLQ, aurait pour conséquence de verrouiller les choix énergétiques des pays clients et, conséquemment, les émissions de GES associées à la combustion du gaz naturel qui y serait livré. Ce faisant, la transition de ces pays vers une économie sobre en carbone pourrait en être retardée. »

Finalement, la commission ajoute que le projet de gazoduc, la potentielle ligne électrique nécessaire à l’alimentation de l’usine de liquéfaction, ainsi que les risques pour la biodiversité associés au transport maritime du GNL doivent être pris en compte par le gouvernement. Elle ajoute que, considérant la polarité du débat, « la commission n’a pas été en mesure de se prononcer sur l’acceptabilité sociale à l’égard du projet, même si globalement, selon l’analyse qu’elle en a faite, la somme des risques afférents au projet dépasse celle de ses avantages ».

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Billal Tabaichount

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